
« Mon robot, ma famille et moi »
Étude de l’impact de la relation humain-robot sur la question des identités .
Relevant encore récemment de la fiction, le robot humanoïde conçu pour vivre au sein des familles commence à être commercialisé sur les marchés grand public. Equipés d’une intelligence artificielle, de capteurs, de systèmes de reconnaissance électronique et connecté à Internet, les robots de compagnie ont pour fonction de divertir, informer, accomplir des tâches ménagères et partager l’intimité des familles. Dotés de caractéristiques physiques et psychologiques proches de l’être humain, ils sont ainsi capables de reproduire des attitudes et comportements humains et de répliquer de mieux en mieux les interactions humaines. La connexion de ces robots à Internet permet aux entreprises les commercialisant de stocker et de traiter une multitude de données issues des foyers et de proposer des liens de plus en plus personnalisés avec ses utilisateurs.
En cela, véritable innovation de rupture, le robot compagnon engendre des transformations à la fois technologiques et sociétales qui suscitent de nombreuses interrogations sociales, juridiques, éthiques ou encore économiques. Afin d’apporter un éclairage sur l’émergence de ce nouveau marché et de contribuer à en dresser les enjeux, cette journée d’étude se centrera sur le projet de recherche « Mon robot, ma famille et moi : étude de l’impact de la relation humain-robot sur la question des identités familiales ». Elle s’inscrit dans le projet scientifique développé par le e-laboratoire Human Trace Complex system Digital Campus et portant le label Unitwin de l’UNESCO.
Dans ce cadre, le projet de recherche explorera deux axes de questionnements induits par l’introduction des robots compagnons dans les familles avec enfants.
- Une dimension endogène : les traces de la relation homme-robot compagnon sur les identités individuelles au sein de la famille et sur l’identité familiale elle-même.
Dès lors que ces robots de compagnie empruntent des attributs physiques et psychologiques humains et endossent le rôle de « compagnon », la frontière entre le vivant et la machine semble s’effacer au point de provoquer de la robophilie et des attachements affectifs de substitution.
Selon Serge Tisseron, le producteur de robot, Hiroshi Ishiguro, nous invite même, « à considérer les robots de demain ni comme des machines ni même comme des animaux, mais comme nos enfants ! Non pas comme ses enfants à lui, dont nous prendrions livraison en remerciant leur concepteur, mais comme nos enfants à nous que nous serions appelés à mettre au monde et à élever « .
L’objectif de cette journée est d’aborder la question en étudiant la place du robot dans les interactions familiales et de montrer dans quelle mesure son adoption au sein du foyer peut modifier les relations interfamiliales et les représentations que chacun a de son rôle au sein de la famille. Nous partirons d’une définition de l’identité conçue comme une construction en perpétuel mouvement résultant des interactions de l’individu à son environnement, ce qui comprend à la fois les échanges intersubjectifs – avec leur dimension émotionnelle et affective – et la construction commune de signification au sein de la famille. Dans le contexte théorique porté par le laboratoire Human-Trace Complex System, l’accent sera mis sur :
- l’interaction de signes-traces entre deux corps, un corps humain vivant et un corps-machine non-vivant.
- Les signes-traces organisationnels résultants : la répartition des tâches, les relations entre les membres de la famille et notamment les relations parents-enfants, son style de communication, ou les valeurs portées et transmises au sein de la famille.
- L’impact sur le « corps-trace » humain : transformations de la sensori-sensibilité, de l‘interaction empathique, de l’expression verbale, etc. des enfants.
- L’impact sur la représentation de soi : en se demandant si les processus mimétiques produisant des relations miroirs satisfaisantes ont une influence sur une représentation faussée de soi.
L’usage des robots personnels pour l’exécution de tâches quotidiennes se fondant avec harmonie dans l’environnement familial étant plus développé au Japon qu’en France, nous nous demanderons également dans quelles mesures les différences culturelles entre nos deux pays influent sur la relation de confiance (pour le japon) ou de défiance (pour la France) vis à vis des robots de compagnie.
- Une dimension exogène : les risques liés à une « économie des données » personnelles et familiales transmises par les robots
En tant que compagnons au sein des familles soulève des interrogations sociétales et légales induites par le stockage et l’exploitation algorithmique de données personnelles collectées au sein de la sphère privée. Il nécessite de s’interroger sur la traçabilité numérique des données issues des interactions entre les différents membres de la famille et le robot ainsi que des interactions intrafamiliales auscultées voire médiatisées par le robot et in fine son fournisseur.
Pour le vendeur de robot domestique, le client n’est pas l’acheteur d’une machine comme une autre. L’expérience relationnelle client-robot est productive de traces numériques qui constituent de gigantesques opportunités de valorisation.
Sachant que la CNIL considère comme donnée personnelle « toute donnée permettant d’identifier directement ou indirectement une personne physique », on mesure que les données fournies par les robots domestiques sont hautement concernées. Certes, des entreprises se déclarent conscientes des enjeux éthiques et cherchent à mettre en place un guide des bonnes conduites qui permettraient aux entreprises de concilier business et éthique, mais dans quelle mesure n’est-ce pas un effet d’annonce pour valoriser l’image des entreprises adhérentes et restaurer la confiance du client ? Une mesure, l’opt-in, déjà en place, implique l’autorisation préalable demandée au client pour traiter ses données personnelles et les divulguer ; pourrait-elle s’appliquer aux données transmises par les robots domestiques ? Comment, dans une société de plus en plus numérique, concilier le désir de l’enfant consommateur toujours prêt à bénéficier des avantages offerts par le progrès technologique, l’intérêt que représente le développement de la datafication pour les entreprises (dont la communication marketing ciblée est une conséquence), et la nécessité de protéger la sphère privée ? Enfin, comment s’assurer que la masse d’informations personnelles recueillies par ces robots de compagnie ne soient pas utilisées dans un but de contrôle politique ?
Autant de questions que nous ne pourrons éviter dans l’avenir et qu’il convient de poser avec le recul qu’offre la recherche.
Au Programme :
9h45 – 11h00 : Acceptation et usages des robots dans la famille ?
Modérateur : Valerie Hémar-Nicolas – Maître de conférences HDR en Sciences de gestion, EA 7363 RITM, Université Paris Sud/Paris Saclay et membre du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO.
Alain Goudey – Professeur associé, co-fondateur de l’Institut de Recherche Smart Product and Consumption, Neoma Business School.
Des parents aux grands-parents : perception et acceptation du robot domestique
Marie Schill – Maître de Conférences en Sciences de gestion – EA 6292 REGARDS, Université de Reims Champagne Ardennes.
Enquête sur l’acceptabilité des robots compagnon au sein des familles
Alexandra Bensamoun – Professeur en droit privé, spécialiste de droit du numérique, chercheur à l’IODE (UMR CNRS 6262), Université de Rennes 1, chercheur associé et membre du Conseil de direction du CERDI (EA 3537), Université Paris-Sud/Paris-Saclay
Pour une régulation adaptée à l’usage de robots humanoïdes dotés d’IA par l’enfant et sa famille.
Rodolphe Gélin – EVP Chief Scientific Officer, Alderaban Robotics – Softbank Group
Roméo, robot humanoïde, nouvel ami de l’homme ?
11h00 – 12h30 : autres milieux, autres usages transposables à la famille ?
Modérateur :Pascale Ezan – Professeur en Sciences de gestion, EA 969 NIMEC, Université Le Havre Normandie et co-directrice adjointe du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO
Jean-François Brethé – Professeur en Génie informatique, automatique et traitement du signal – EA3220 GREAH, Université Le Havre Normandie.
expérimentation de programmation robotique en milieu scolaire
Jeanne Lallement, Maître de Conférences en Sciences de gestion – EA 1722 CEREGE, Université de la Rochelle.
Arnaud Revel, Professeur en Génie informatique, automatique et traitement du signal – EA 2018 L3i, Université de la Rochelle.
Nao au musée : retours d’expériences et éléments de réflexion transposables au sein de la famille
Natacha Seignolles – Fondatrice et dirigeante de Décalab
La coopération multidisciplinaire au cœur de l’entreprise innovante
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13h45 –15h : Le robot au prisme des traces
Modérateur : Béatrice GALINON-MELENEC, Professeur en Sciences de l’information et de la Communication, UMR IDEES 6266 CNRS, Université Le Havre Normandie, co-directrice du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO.
Daiana Dula – Docteur en Sciences de l’information et de la communication – UMR IDEES 6266 CNRS, Université de Rouen Normandie et membre du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO.
Le robot est-il un même ? Trace, projection et mimétisme des objets compagnons
Michèle Molina – Professeur en psychologie – EA 7452 LPCN, Université de Caen Normandie et membre du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO.
Cognition et signes-traces : Quand le robot devient le compagnon humanoïde de l’enfant : l’inscription corporelle des signes-traces de la communication avec un autre pas comme les autres
Daniel Schmitt – Maître de Conférences en Sciences de l’information et de la communication – EA 2445 DeViSu, Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis et membre du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO
Sylvie Leleu-Merviel, Professeur en Sciences de l’information et de la communication – EA 2445 DeViSu, Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, co-directrice du laboratoire On Human Trace Complex System UNESCO.
Perception et signes-traces : mesures effectuées via l’eye tracking et analyse critique des traces dans la construction de la signification : l’usage des robots
15h-16h : Projections avec la participation des personnes présentes de l’axe « Consumer’s traces » pour les 3 années à venir (2018-2020)
Coordination : Pascale Ezan, Béatrice GALINON-MELENEC, Valérie Hémar-Nicolas, Sylvie Leleu-Merviel.